L'aigle-lutrin de Notre-Dame-de-l'Assamption

UN PUPITRE MONUMENTAL

Au-delà de son architecture gothique exceptionnelle, l’église Notre-Dame-de-l’Assomption regorge de belles pièces de mobilier, à l’image du lutrin  en bois de chêne qui trône dans le chœur : depuis 1757, il en est l’un des éléments décoratifs  les plus précieux !

Le terme lutrin est hérité du mot utilisé pour désigner un petit meuble où poser un grand livre afin de le lire plus facilement, en latin. De quoi permettre aux religieux de chanter ensemble pendant les célébrations. S’il est orné d’un aigle, on l’appelle généralement aigle-lutrin. C’est le cas de celui de l’église Notre-Dame-de-l’Assomption, classé au titre Objet depuis 1907 et restauré par un ébéniste tabernacien, M. Breton, en 1956. À son sommet, se trouve en effet un aigle aux larges ailes déployées, enserrant une boule de ses griffes. Sa base tripode, dotée de volutes, se prolonge par trois tiges décorées de têtes d'angelots joufflus, séparées par des blasons représentant la croix entourée de rayons de lumière. 

Malgré sa hauteur imposante de 208 cm, le lutrin de Taverny reste dans la norme. Si les lutrins étaient très fréquents au XIXe siècle, celui de l'église Notre-Dame-de-l'Assamption avait la particularité de permettre à l'aigle de tourner sur son axe, alors que les lutrins sont généralement fixes. La légende veut qu'en tournant sur lui-même, l'aigle émettait la note "La", permettant aux chanoines et aux chantres d'accorder leurs voix. Toutefois cette particularité a disparu lorsque ce lutrin a été mis sous alarme pour le protéger des vols. 

Entre emblèmes et symboliques

Coupons court tout de suite aux possibles confusions : cet aigle ne rend pas hommage à Napoléon dont il est aussi le symbole, malgré la forte empreinte qu'il a laissée avec son frère, Louis-Bonaparte, dans le patrimoine de la Ille voisine, Saint-Leu-la-Forêt ! Et pour cause, il date de l'époque Louis XV. L’aigle est en effet, dans la tradition catholique, l’emblème de Saint-Jean l’Evangéliste : selon la légende, celui-ci se serait retiré en ermite sur l’île de Patmos, en Grèce, pour rédiger le livre de l’Apocalypse (dernière partie de la Bible). Comme il n’avait pas d’écritoire, un aigle se serait alors posé devant lui en déployant ses ailes pour lui servir de pupitre. L’aigle, par extension, symbolise donc l’Evangéliste et la boule qu’il enserre symbolise le monde et la souveraineté du Christ sur Terre. Le choix d’une base à trois pieds est également symbolique, puisqu’elle représente la Sainte Trinité de la foi chrétienne.

Un objet autrefois essentiel pour les célébrations

Au-delà de son aspect esthétique, le lutrin avait un rôle important par le passé. D’abord utilisé par les moines copistes au Moyen-Âge au sein des scriptoriums, il fait son apparition à l’église afin de supporter les immenses manuscrits de musique, antiphonaires, psautiers ou graduels* qui permettaient aux moines, chanoines et chantres de chanter ensemble pendant les célébrations religieuses. En effet, ces derniers n’avaient pas de partitions individuelles, mais se rassemblaient autour du lutrin pour chanter « sur le livre », suivant l’expression consacrée. Il était donc nécessaire que le manuscrit soit de grande taille pour faciliter la lecture de tous… et donc que le support du manuscrit le soit aussi ! Dans les enluminures médiévales et renaissance, les moines sont d’ailleurs souvent représentés chantant ensemble devant un tel pupitre.

*Les antiphonaires sont utilisés pour la liturgie des Heures (prières à différents moments de la journée), les psautiers pour chanter les psaumes et les graduels pour la messe.