Taverny à l’heure de la Libération
Après être entrés dans Paris le 14 juin 1940, les Allemands poursuivent leur offensive, envahissent la Vallée de Montmorency et arrivent à Taverny le jour suivant. Durant quatre années, ils tiendront leurs positions, malgré les efforts de la Résistance locale… Jusqu’à la libération de la ville, le 30 août 1944 !
Taverny comme bastion de la formation des SS
Après avoir battu les armées française, britannique et belge à l’automne 1940, la Wehrmacht - l'armée du IIIe Reich - s’installe au château de Vaucelles (actuelle Maison d’enfants Elie-Wiesel située rue de la Tuyolle), avant d’être supplantée par les Waffen SS, la branche armée de l'organisation Schutzstaffel (SS). Avec la Milice française, mise sur pied par le régime de Vichy en 1943, ces soldats allemands y créent un centre de formation d’agents, le Selbstschutz, dont la mission est d’infiltrer les maquis et les réseaux. “Cette ‘école’ (...) étend ses bureaux dans plusieurs châteaux et villas tabernaciens”, détaille l’historienne Christine Jablonski dans son ouvrage “Taverny, Histoire d’un Terroir” (1991), avant de préciser : “Les stagiaires formés doivent, partout en France, être capable d’intervenir avec la Gestapo ou les troupes occupantes pour briser la France combattante.” Et pour cause, quatre ans durant, la Résistance multiplie les actions.
La Résistance n’a pas dit son dernier mot
À Taverny, où les Allemands délocalisent en 1941 une usine parisienne de roulements à billes SKF dans les tunnels de la base aérienne 921 pour éviter les bombardements alliés, la Résistance s’active. Espionnage, missions de renseignement, aide aux Juifs ou aux évadés… tout est bon pour venir perturber l’ennemi, à défaut de mener une action armée !
À titre d’exemple, Anicet Cambier, Tabernacien, crée un groupe local de résistance et, en lien avec une cellule de Beauchamp dont un certain René Minier, parvient à mettre la main sur un stock d’armes allemandes en juin 1943. Il est décidé de les cacher dans les champignonnières de Méry-sur-Oise pour que les résistants locaux puissent les utiliser. La Gestapo a vent de l’affaire et procède à des arrestations. René Minier sera conduit au Mont-Valérien et exécuté en octobre.
Bien d’autres Tabernaciens œuvrent dans l’ombre à l’image de la famille Houdy qui rejoint la Résistance en 1942. Son objectif ? Contrer l’intoxication dispensée par la presse collaborationniste grâce à un journal clandestin baptisé “Défense de la France” (l’équipe de rédaction donnera naissance à France Soir après la Libération), imprimé dans une imprimerie clandestine située rue du Trou Samson.
En 1944, face aux lourdes pertes, la Résistance décide de prendre les Allemands à leur propre jeu et réussit à infiltrer l’un de ses agents, un dénommé Ancel, 20 ans, au sein du Selbstschutz. Ce dernier parviendra à rapporter des informations sur des opérations prévues contre la Résistance partout en France. Une mission qui, en juin 1944, coûtera pourtant la vie à un autre jeune stagiaire, soupçonné par les SS d’être le coupable. Il sera torturé et exécuté avant que son corps ne soit traîné tout au long de la rue de l’Eglise puis exposé dans la salle des mariages de l’époque. Un meurtre qui déclenchera des combats entre résistants et Allemands dans le bois de Boissy.
Une arrivée des Alliés à point nommé
Arrive la date du 6 juin 1944. Les Alliés débarquent sur les plages de Normandie. Le jour-même, à Taverny, plus de 200 femmes russes déportées descendent de camions sous l'œil des soldats allemands. Elles seront détenues à l’école de la Plaine et iront, chaque nuit, réparer les dégâts causés par les bombardements alliés, notamment du côté de Persan-Beaumont. Un mois plus tard, elles quittent Taverny sans que personne ne connaisse leur destination.
Vient le mois d’août. La tension est palpable chez les Allemands, et ce depuis le Débarquement. Aussi les incidents se multiplient : coups de feu, prises d’otages, menaces à l’explosif… Un civil sera même tué rue de Paris pour être rentré chez lui après le couvre-feu (il s’agira du 7e civil tabernacien tué durant la guerre).
Puis, le jeudi 24 août, les Alliés reprennent enfin Paris. Le 25 août, l’insurrection populaire gagne le Val d’Oise. Mais pas à Taverny où les occupants dressent des barricades aux points stratégiques pour tenter de freiner l'avancée des Américains et organiser la retraite des troupes allemandes. Ils posent des pièces anti-chars au sud de Taverny et dressent une barricade protégée par des soldats allemands armés de bazookas. Certains d’entre eux tentent de rejoindre Saint-Leu, mais sont vite reçus par des éclaireurs américains, postés au niveau de la place de la Forge. Les Allemands battent en retraite et, dans la nuit du 29 août, les troupes allemandes réquisitionnent tous les véhicules disponibles et quittent Taverny. Le tout sans qu’aucun combat ne fasse rage.
Le 30 août, Taverny redevient enfin une ville libre. Un détachement de la cinquième division d'infanterie du Général Bradley remonte la rue d’Herblay et met ainsi fin à plus de 50 mois d’occupation.
“La Libération enfin ! se remémorait Catherine Boutreau dans un témoignage à retrouver dans le livre “Objectif Taverny” (1983). Ce jour-là, ma mère m’avait envoyée faire les provisions à Taverny centre, à bicyclette. J’attendais devant le magasin Berthaud, rue de Paris ; les gens étaient joyeux, et tout à coup j’ai vu sortir de la mairie (salle Moulié) trois femmes tondues et la tête enduite de goudron ! Les Forces françaises de l'intérieur (FFI) les poussaient avec leurs fusils pour que tout le monde les voie… Triste souvenir.”
En outre, la fin de l’occupation allemande sonne aussi comme le début de la chasse aux collaborateurs français : traque, dénonciations, incarcérations et exécutions rythment les jours qui suivent la Libération. Avant que l’heure ne soit à la reconstruction, le territoire ayant essuyé de nombreuses frappes aériennes, notamment entre juin et août 1944.
Une libération après la Libération
Quelques mois plus tard, le château de Vaucelle, débarrassé du Selbstschutz, des nazis et de la Milice française, va accueillir des enfants juifs tout juste libérés du camp allemand de Buchenwald. Rapatriés en France par l'OSE (Oeuvre de secours aux enfants), pas moins de 80 enfants y seront logés. Parmi eux, un certain Elie-Wiesel. En 2008, le prix Nobel de la Paix 1986 donnera d’ailleurs son nom à ce qu’il appellera “la maison du bonheur”.
“Nous avions des assistantes sociales qui étaient chargées de retrouver les membres des familles encore en vie”, expliquait au Parisien le défunt directeur de l’établissement, Richard Josefsberg, en 2008. Les jeunes pouvaient rester sur place jusqu’à plusieurs années.
Aujourd'hui, la maison d'enfants Elie-Wiesel, gérée par l'Oeuvre de secours aux enfants, poursuit sa mission : “accueillir les enfants de 5 à 20 ans, de tous horizons, religieux ou ethniques et les préparer à la réalité de la vie.”