Le panneau du banc d'œuvre de l’église Notre-Dame-de-l’Assomption

L’incroyable vie de Saint-Barthélémy à l’honneur

Si l’église Notre-Dame de Taverny est dédiée à la Vierge Marie, elle l’est aussi à l’un des plus grands saints évangélisateurs du 1er siècle : Saint-Barthélémy. La vie de ce dernier est comptée à travers 14 panneaux sculptés en haut-relief. Parmi eux, le dernier mérite toute votre attention !

Apôtre de Jésus, Barthélémy aurait évangélisé une partie de l’Inde et de l’Orient. Pas surprenant, donc, que sa vie soit sujette à des représentations sur moult mobiliers liturgiques. Celle de Taverny ne fait pas exception : les 13 panneaux de bois, datés du XVIème siècle, qui décorent la rambarde de la tribune de l’orgue de Notre-Dame-de-l’Assomption - un ex-jubé qui permettait de séparer le choeur de la nef - font en effet la part belle au périple de l’apôtre jusqu’à sa mort. Tout comme un 14e panneau, inséré lui dans le dossier d’un autre mobilier de l’édifice à savoir le banc d’œuvre placé sur le bas-côté sud de l’église.

Deux versions du dernier jour d’un martyr

L’église Notre-Dame de Taverny est l’une des dernières églises du Val d’Oise à posséder un tel banc d’œuvre, assise réservée aux membres du Conseil de Fabrique de la paroisse (des notables de la ville, et, plus généralement, les personnes chargées de collecter et affecter les dons à l’entretien de l’église et de son mobilier). C’est sur la partie supérieure du banc d'œuvre que trône le 14e panneau qui nous intéresse.

En outre, le 13ème panneau (installé sur la tribune d’orgue) raconte le supplice du saint, ordonné par Astyage, frère de Polémon, roi d'Arménie, après que ce dernier se soit converti grâce à Barthélemy ; supplice affreux, puisque ce dernier est dépecé vivant ! On pourrait alors s’attendre à ce que le 14e panneau présente une scène avec le cadavre supplicié enterré… Il en est tout autrement : il fait référence à un autre récit de la mort de Barthélémy… noyé dans un sac de sable jeté à la mer ! 

Cette mort, atroce, serait dûe au roi Aqrepos, séparé de sa femme, cette dernière étant désespérée par les péchés de son mari, après avoir été convertie par Barthélémy. Une scène d'ailleurs représentée sur le 2e panneau de la tribune. Pour se venger, selon la tradition, le roi Aqrepos aurait fait mettre l’apôtre dans un sac de sable pour le noyer en le jetant à la mer.

Un bas-relief d’une incroyable richesse

Le 14ème panneau montre donc le corps de Barthélémy récupéré par ses disciples sur la rive et porté jusqu’à l’église. Mais de nombreux autres détails se cachent sur l’ensemble de la sculpture.

Au premier plan, l’artiste a disposé le corps du saint étendu sur une natte pas totalement déroulée. Encore enserrée dans le sac, on devine la forme de la tête qui repose sur la partie enroulée de la natte et la position des bras. Une femme, penchée, découvre les pieds du martyr et semble sur le point de dégager le corps. Autour d’elle, un groupe d’hommes, debouts, se lamentent. Si ce n’était la position inversée du corps, cette scène pourrait rappeler les pietas, ces œuvres où la Vierge tient sur ses genoux le Christ après la descente de la croix.

Le second plan est remarquable : de chaque côté de l’autel, un rideau guide le regard du spectateur vers la porte du tabernacle (la partie la plus sacrée de l’église) où est représenté un ange annonçant à la vierge Marie qu’elle sera la mère du fils de Dieu (évangile de Luc chapitre 1 versets 26 à 38). La boucle est ainsi bouclée : la référence à la naissance de Jésus rappelle que Saint-Barthélemy est mort en martyre pour avoir annoncé la venue de Jésus, sa mort et sa résurrection.

Des rideaux qui interrogent

Ces rideaux sont effectivement curieux ! Et pour cause, chez les Chrétiens, ils symbolisent la « tente de la rencontre », le sanctuaire où Dieu venait à la rencontre de son peuple (cf. Livre de l’exode, chapitre 25, verset 8). Pourtant, dans le culte catholique, seule la porte du tabernacle était cachée par un petit rideau : on aurait donc pu penser que le sculpteur l’aurait représentée ainsi. En revanche, dans le culte arménien, un grand rideau masquait tout l’autel, ce qui semble être le cas sur ce bas-relief. Or la tradition fait état de la grande activité missionnaire de Saint-Barthélémy dans l’ancienne cité d’Albanopolis, que l’on situe en Arménie : est-ce pour souligner cet aspect de la tradition que le sculpteur a représenté ainsi l’autel ?

Enfin, toujours sur l’autel, est posée une croix, encadrée par deux chandeliers, tandis qu’un antependium (grand tissu décoratif qu’on laisse pendre devant l’autel) finement sculpté orne le devant de cette table sacrée où se célèbre l'Eucharistie.

On remarque également le joli effet de symétrie entre ce panneau de la vie de Saint-Barthélémy et le banc d’œuvre dans son ensemble : le tableau représentant l’Ange et Marie est surmonté d’un petit dôme triangulaire décoré de moulures. Le banc d’œuvre est lui-même surmonté du même type de dôme pentu, avec en son sommet un ange aux ailes déployées qui rappelle les deux petits anges qui encadrent ce panneau.