Sous le clocher de Notre-Dame de Taverny : un héritage de bronze et d’histoire
Elles résonnent depuis des générations, marquant les heures, les fêtes et les instants solennels de la vie tabernacienne - souvent sans que l’on y prête vraiment attention. Pourtant, les cloches de l’église veillent fidèlement sur la ville.
Qui sont donc ces « dames de bronze » qui donnent la mesure du temps et de nos émotions collectives ?
Sous la charpente de l’histoire
Pour les approcher, il faut gravir les hauteurs de Notre-Dame-de-l’Assomption et passer sous la majestueuse charpente du croisillon sud. L’entrelacement de poutres, d’origine médiévale, rappelle la toiture de Notre-Dame de Paris - celle-là même qui s’est embrasée lors de l’incendie de 2019, avant d’être reconstruite avec le même savoir-faire ancestral. Heureusement, à Taverny, la charpente a traversé les siècles sans faillir, témoin silencieux de l’histoire locale parfois teintées de turbulences (cf. Tav Mag #73).
En atteignant le clocher, on découvre les ingénieux mécanismes permettant d’actionner automatiquement les cloches : un système électrifié créé en 1947 par les établissements Mamias de Gagny-sur-Oise, modernisant le geste autrefois réservé aux sonneurs.
Trois voix de bronze
C’est là que se tiennent les trois cloches, nées des ateliers François Gousset, à Metz, en 1870. Chacune arbore, gravés sur tout le pourtour du bronze, des motifs bibliques et son acte de baptême.
- Jeanne-Hortense, 1 250 kg, sonne en ré ;
- Lucie-Germaine, 900 kg, résonne en mi ;
- Marie-Joséphine, la plus jeune et la plus légère, avec ses 750 kg, chante en fa#.
Ces cloches portent respectivement les numéros 2147, 2148 et 2149 de la fonderie Gousset. Leurs inscriptions rappellent les familles et notables tabernaciens qui, à la fin du XIXᵉ siècle, participèrent à leur baptême : le maire, le curé, mais aussi les barons Rouen des Mallets, la baronne Ashburton, les Lefèvre Pontalis ou encore les familles Davorest et Lasson. Autant de noms inscrits dans la mémoire locale.
Sur leurs actes de baptême, on peut ainsi lire :
Cloche 2147
Fondue à Metz en 1870
J.Gousset François
Fondeur de sa majesté l’Empereur
Monsieur Philippe Benjamin desfossez médecin étant maire
Et Gabriel Groux curé de Taverny
J’ai été refondue par les souscriptions des habitants
Et nommée Jeanne-Hortense
Par mon parrain Alexandre Jean Denis Baron Rouen des Mallets
Auditeur au Conseil d‘Etat en 1809
Intendant civil de Raguse en 1811
De Carniol 1812
Préfet du Vaucluse 1812
Du Lot et Garonne 1815
Maire de Taverny 1851
Chevalier de la Légion d’Honneur
Par ma marraine
Claire Hortense Eugénie de Bassano
Baronne Ashburton
Château de la Tuyolle
Cloche 2148
Fondue à Metz en 1870
J.Gousset François
Fondeur de sa majesté l’Empereur
Monsieur Desfossez étant maire
Et Groux curé de Taverny
A été nommée Lucie-germaine
Par Germain Antoine Lefèvre Pontalis
Ancien maire de Taverny
Député de Seine et Oise
Propriétaire du château de Boissy
Et par Adélaïde Marie Gallou
Epouse de Guillaume Denlère
Ancien président du tribunal de commerce
Président de la Chambre de Commerce
Régent de la Banque de France
Commandeur de la Légion d’Honneur
Et propriétaire à Taverny
Cloche 2149
Fondue à Metz en 1870
J.Gousset François
Fondeur de sa majesté l’Empereur
Philippe Benjamin desfossez médecin étant maire
Et Gabriel Groux curé de Taverny
J’ai été donnée généreusement à cette église
Et nommée Marie-Joséphine
Par madame Elisabeth Alexandrine Davorest
Veuve de N.A.S Auguste Lasson
Propriétaire à Taverny
Et par Marie-Michel Hubert Davoust
Son frère.
Plaise à Dieu leur donner une part
Dans toutes les prières que je sonne.
Mémoire d’un passé bouleversé
En réalité, ces cloches ne furent pas les premières de l’église de Taverny : les deux cloches initiales fondues par les ateliers Gaudiveau en 1768 furent enlevées en 1793, lors de la période de pillage des églises par les Révolutionnaires. On n’en retrouva jamais la trace. Des archives permettent cependant de savoir ce qui était gravé sur ces cloches :
“ Seigneur, faites que chaque fois que je sonnerai, incendies, tempêtes, tonnerre, foudre et toutes espèces de calamités s’éloignent, et que la dévotion augmente dans le cœur des fidèles.”
Un patrimoine vivant
Aujourd’hui encore, les Tabernaciens peuvent entendre le dialogue harmonieux de ces trois cloches : Jeanne-Hortense rythme les heures, tandis que toutes trois s’unissent pour sonner l’angélus à 8h, midi et 19h. Leur voix collective accompagne les moments de joie et de peine, de recueillement ou de fête.