Le tableau de Saint-Joseph et l’Enfant Jésus

Une œuvre intime et divine au cœur de l’église Notre-Dame-de-l'Assomption

Si la Vierge Marie est largement représentée dans l’église de Taverny, à travers des vitraux, des statues ou des tableaux, son époux, Saint-Joseph, y est beaucoup plus discret… Une peinture lui rend toutefois hommage dans son rôle de protecteur et de père nourricier de l’enfant Jésus.
Le tableau de Saint-Joseph et l’Enfant Jésus de Taverny est accroché au-dessus du baptistère, dans le bas-côté Nord de l’église. Cette huile sur toile de 90 cm sur 70 cm donne à voir l’image d’un vieil homme émerveillé par l’enfant qu’il tient dans les bras, un poupon potelé qui le regarde avec attention et confiance. L’ensemble donne une grande impression de douceur et d’amour.

Une peinture originale… mais une copie !
Si la date et les conditions de son installation dans l’église de Taverny restent encore mystérieuses (on sait seulement que ce tableau date de la fin du XVIIe siècle), l’origine, elle, est bien identifiée ! Il s’agit en effet d’une copie du tableau « Saint-Joseph et le Christ enfant » de Guido Reni, peintre italien de l’école de Bologne (époque baroque), probablement réalisé en 1640. Un tableau aujourd’hui conservé au Musée des Beaux-Arts de Houston.
Le copiste a cependant pris quelques libertés avec l’original, notamment par l’ajout des éléments suggérant le voile entrouvert sur cette scène d’intimité familiale et par l’accentuation du nimbe autour de la tête de Joseph. Mais si le tableau de Taverny, classé au titre « objet » aux Monuments Historiques en février 1996, est aujourd’hui en très bon état, il n’en a pas toujours été ainsi !

Article rédigé avec l’aide précieuse de l’Association culturelle Notre-Dame-de-Taverny (ACNDT).
Suite de l'article paru dans le Taverny Mag  #55 - juin 2023 :

En 1993, la restauration du tableau est confiée à madame Marie-Paule Barrat : elle nous apprend qu’au moment de la prise en charge du tableau, des « repeints épais dissimulaient le voile qui encadre la scène, les usures des glacis bruns et les mastics comblant d’anciens écaillages ». La toile était recouverte d’un chanci opacifiant la peinture, dû à l’altération du vernis provoqué le plus souvent par l’humidité. L’étape de nettoyage de l’ancien vernis révèle heureusement les couleurs originales : sous la couche ancienne de vernis et les anciens mastics apparaissent la chair rosée de l’enfant Jésus et le beau manteau de Joseph !

Une fois le vernis minutieusement nettoyé et les repeints tardifs retirés, le tableau présente à de nombreux endroits des « lacunes et des usures de la couche picturale » qu’il s’agit de combler : des « glacis de pigments au vernis mastic » sont alors posés sur une sous-couche de gouache. Cette technique de la peinture à l'huile permet de redonner peu à peu à l’œuvre son aspect d’origine en posant, sur une couche déjà sèche, une fine couche colorée transparente et lisse. Enfin, la dernière étape consiste à revernir le tableau, pour lui assurer une bonne longévité. Le résultat est spectaculaire…
Après sa restauration, le tableau a été entreposé pendant plusieurs années dans la sacristie, avant d’être enfin ré-encadré puis installé dans l’église, au-dessus du baptistère.

Une représentation de l’amour d’un père
Sur ce tableau qui “a suscité une description élogieuse dans un guide touristique publié à Florence en 1677” comme le précise le ministère de la Culture, un grand manteau jaune-orangé enveloppe dans un même mouvement un Joseph vieillissant (personnage central) et l’enfant Jésus qu’il tient avec tendresse dans ces bras : cette couleur que l’on réserve traditionnellement à Joseph symbolise la révélation de l’Amour divin à l’âme humaine. La sainteté de Joseph est mise discrètement en valeur par un léger nimbe au-dessus de sa tête.

L’enfant Jésus regarde Joseph et lui tend une pomme chargée d’une puissante évocation symbolique. Et pour cause, elle rappelle le péché originel qui valut à Adam et Eve d’être chassés du Paradis pour avoir désobéi à Dieu en mangeant le fruit défendu*. Par un effet de miroir, la pomme qui symbolisait le péché devient, dans la main de l’enfant, le symbole de la Rédemption. D’une certaine manière, l’offrant à Joseph, Jésus offre à l’humanité son salut par le rachat du péché originel. Un voile transparent figuré par l’ajout d’un liseré blanc autour des personnages accentue l’impression de mystère autour de cette scène où le divin se révèle.

Cette représentation intime de l’amour de Joseph pour Jésus est inconnue dans l’époque médiévale, qui privilégie la représentation de Jésus avec sa mère. Elle commence à apparaître seulement après le Concile de Trente, pendant la Contre-Réforme, au XVIe siècle.

* Petite anecdote au sujet de cette fameuse pomme ? Dans la Bible, le pommier n’est pas mentionné. On y parle de l’arbre de la Connaissance du Bien et du Mal, le seul arbre du Paradis dont Dieu interdit à Adam et Eve de manger les fruits. Or le fruit en latin se dit « pomum », tandis que la pomme se dit « malum », ce qui est aussi l’adjectif désignant le mal ! La confusion est facile… C’est ainsi que le fruit de l’arbre de la Connaissance du bien et du Mal est devenu dans la tradition populaire une pomme, peut-être par la faute d’un copiste distrait !