Un lieu entre histoire et légende
Au cœur de la Forêt de Montmorency, le Pont du Diable fait la part belle aux mystères. Quand et pourquoi a-t-il été édifié ? Pourquoi porte-t-il un tel nom ? Autant de questions qui attisent la curiosité !
En France plus de 150 ponts sont surnommés « Pont du Diable », à l’image de celui de Saint-Guilhem-le-Désert (Hérault) ou celui de Crouzet-Migette et Saint-Anne (Doubs), tous deux très renommés. Mais saviez-vous qu’un Pont du Diable existe aussi à Taverny ? Situé sur le Boulevard du Midi, anciennement Allée du Périmètre, dans le quartier du Val Souleureux, dans la Forêt de Montmorency, il relie Taverny à Saint-Leu-la-Forêt. Le passage situé sous son arche, réalisée à base de pierres meulières, est un chemin (fondrière) joignant le chemin des Aumuses à la Route du Camp de César.
Mais que diable fait un pont en ces lieux ?
L’édifice, dont le passage supérieur culmine à 152 m de hauteur, apparaît pour la première fois sur une carte de 1860 représentant le lotissement de la propriété « Godard » à Taverny, Le Haut Tertre. Toutefois, sa date précise de construction reste inconnue. Cette dernière approcherait de l’année 1852. À cette époque, la forêt de Montmorency fait l’objet de deux projets de lotissement : l’un à Saint-Leu-la-Forêt (autrefois Napoléon-Saint-Leu) au lieu-dit « Villa de la Fontaine Genet », dont l’acte de vente mentionne l’acquisition de plusieurs lots par « une troupe de théâtre de Paris », et l’autre, mené par la Compagnie d’Assurances sur la Vie des Hommes, au niveau de la propriété du Haut-Tertre, à Taverny. Le pont aurait donc probablement été construit pour favoriser la circulation des piétons, des chevaux et des véhicules hippomobiles entre les deux lotissements.
Quand la nature l’emporte sur l’Homme
Toutefois, ces deux projets tombent à l’eau. L'œuvre du Diable ? Pas vraiment ! Du côté de Saint-Leu-la-Forêt, le propriétaire d’un lot, de peur du bruit, rachète toutes les autres parcelles. Le second projet est lui rejeté par l'administration des Eaux et Forêts, opposée au déboisement… Le pont, lui, subsiste. Mais un autre projet immobilier s’annonce, à la fin des années 1920…
Article rédigé avec l’aide précieuse de l'Association généalogique de Taverny (www.genea-taverny.fr).
Février 1928, un projet pharaonique porté par une « Société civile de Montmorency », dirigée par un architecte parisien, est lancé sous le nom de « Cité forestière de Montmorency ». Objectif ? Lotir 415 hectares de forêt sur les communes de Taverny, Chauvry, Saint-Prix et Saint-Leu-la-Forêt, soit près du quart du plateau forestier. Ce projet immobilier haut de gamme prévoie alors la construction d'une station d'épuration, d'une usine pour l'alimentation en eau potable ou encore la création d'un golf sur 60 hectares, pour compléter des lots résidentiels de 2 000 m2. Si le cahier des charges précise « le caractère forestier de la région sera conservé », cela ne suffit pas à rassurer les municipalités concernées et la préfecture qui s’opposent au projet. Ce dernier échoue durant l’été 1928.
Un nom énigmatique
Après cette nouvelle victoire de la nature sur l’homme, reste une question : pourquoi le Pont du Diable est appelé comme tel, et depuis quand ? Pour ce qui est de la date, il y a eu, entre 1884 et 1940, une carrière de pierres, à proximité, qui portait le nom de « carrière du Val Souleureux ou carrière du Pont du Diable » : il se pourrait donc que son nom lui ait été donné durant cette période. Cela correspondrait à l’échec de la construction de la « Cité forestière de Montmorency ». Ce nom aurait toutefois pu lui être donné des années plus tôt, à la suite du double échec des projets immobiliers menés durant la seconde moitié du XIXe siècle. Mais pourquoi évoquer le diable ? En effet, on ne connaît pas de légendes locales qui auraient mis Satan en vedette. Il faut peut-être y trouver-là une référence à la légende de Saint Guilhem… Cette légende veut que les moines des villages de Gellone et d’Aniane, constatant que le pont qu’ils construisaient au-dessus de l’Hérault était détruit chaque nuit, auraient fait appel à leur Saint Patron, Guilhem, lequel, un soir, aurait aperçu le Diable, déguisé en bouc, s’en prendre aux travaux du pont. Guilhem aurait réussi à pactiser avec le diable, et l’aurait même dupé ! Furieux, Satan se serait jeté au fond de la rivière. Reste à savoir si à Taverny aussi le Diable a été repéré dans les environs…