Le cimetière de la Forêt

Entre ville et forêt, un cimetière construit au fil du temps

Lors de son édification au XIIIe siècle, Notre-Dame-de-l’Assomption possédait un cimetière à son flanc. Une disposition commune pour l'époque - ce système s'est démocratisé trois siècles plus tôt -, mais bien loin de celle que l'on connaît aujourd'hui !

Délocalisation, extensions, transformations… le cimetière de la Forêt a une histoire longue et mouvementée qui va de pair avec l’augmentation de la population, les grands événements historiques et les travaux nécessaires pour entretenir l’église.

Du cimetière ancien à celui dit "de la Forêt"

À l’origine situé au pied de l’édifice, sur la plateforme, le vieux cimetière était destiné aux sépultures des personnes décédées à Taverny, excepté quelques nobles, personnalités célèbres, prêtres et curés, inhumés dans l’église (dès 1776, ce privilège ne concerne plus que les ecclésiastiques). Si cette disposition ne va pas à l’encontre du décret impérial sur les sépultures de 1804, dans lequel Napoléon Bonaparte impose l’implantation des cimetières en dehors des villes (il confie également aux communes la compétence sur les cimetières), un demi-siècle plus tard, un déplacement s’impose. Et ce malgré un premier agrandissement en 1843, au nord de l’église, faisant passer sa surface de 15 à 25 ares (2 500 m²) : on compte alors à Taverny environ 40 décès par an. Et pour cause, durant plus de 600 ans, les morts ont été inhumés autour de l’église. Résultat, "les terres se sont accumulées à tel point que les fenêtres ne se trouvent à certains endroits qu’à 1,50 m du sol", explique l’historienne Laure Schauinger dans son ouvrage Notre-Dame-de-Taverny. De quoi entraîner des problèmes d’humidité au sein de l’édifice. Alors qu’il vient d’être classé aux Monuments historiques et que des travaux de consolidation et de réparation sont engagés (ils prendront fin en 1886), il faut donc trouver un nouvel espace. D’autant que le cimetière est déjà trop exigu ! C’est chose faite à la fin des années 1850 avec la zone située en lisière de forêt, au nord de l’église. D’où le nom « cimetière de la Forêt ». Bémol : le terrain n’appartient pas à la Ville...

Suite de l'article paru dans le Taverny Mag  #53 - avril 2023 :

En novembre 1859, le Conseil municipal inscrit à son ordre du jour "Insuffisance du cimetière – Demande d’expropriation pour l’agrandir". Objectif : exproprier la Compagnie d’assurances générales sur la vie des hommes, propriétaire des terrains situés autour du cimetière (elle mène alors une étude de lotissement de la forêt), agrandir la parcelle créée en 1843 et supprimer l’ancien cimetière autour de l’église, source de désordres dans le bâtiment. L’année suivante, un accord est finalement trouvé entre la compagnie et la Commune de Taverny.

Le cimetière de la Forêt prend forme

Ce « nouveau cimetière » est bien plus vaste : près de 100 mètres de long pour 53 mètres de large. Il faudra trois ans de travaux (élargissement des chemins de l’Ecce-Homo et des Aumusses, aménagements arboricoles, modification de l’accès et des terrains alentours, réfection de la plateforme entourant l’église…) avant son ouverture. Entouré d’un mur et doté d’une allée circulaire, il inclut partiellement l’ancien « nouveau cimetière » de 1843. Le plan et les règles d’occupations pour les concessions (dimension, nature, tarifs) ont été définis en 1861 par le Conseil municipal. Cette année-là, des décisions sont également prises concernant les exhumations et inhumations : en outre, un transfert de sépultures est nécessaire car le cimetière d’origine, au pied de l’église, cesse d’exister et les travaux de l’église se poursuivent, notamment avec les déblaiements et la restauration des extérieurs. C’est à cette période que le dallage de l’église est en partie refait… avec d’anciennes pierres tombales ! Plus tard, un ossuaire sera créé dans la partie supérieure du cimetière (l’actuel ossuaire Réséda).

Les Tabernaciens investis pour leur cimetière

Les travaux visant à augmenter la superficie du cimetière ont de grandes incidences sur les quartiers en bordure de forêt compris entre la rue de Vaucelles (actuelle rue de la Tuyolle) et le château du Haut-Tertre. L’actuelle rue Benjamin-Godard fut par exemple créée à cette occasion. De quoi impacter les propriétaires des environs. Si certains négocient avec la Commune et la Compagnie d’assurances générales sur la vie des hommes pour obtenir des compensations, d’autres n’hésitent pas à offrir des portions de terrain. Ces dons se multiplient au fil du temps comme en 1920 avec le Comte de Fels (époux de Marie Thérèse Jeanne Lebaudy, héritière de terres dans la forêt de Montmorency), alors qu’un nouveau projet d’agrandissement du cimetière est voté. Plus surprenant, en 1879, un certain Jean Nicolas Voyer fait don d’un corbillard à la Commune. Il faudra attendre 1907 avant que la Ville ne fasse appel à un service de pompes funèbres.

Un champ du repos en temps de guerre

Alors que la Première Guerre mondiale n’a pas encore débuté, la superficie du cimetière est à nouveau jugée insuffisante. Taverny compte 3619 habitants et l’on dénombre environ 75 décès chaque année. En 1914, la question se pose d’un agrandissement ou d’une création d’un nouveau cimetière (on pense déjà à la Plaine). Il faudra attendre 1920 et un référendum, pour que la décision d’un agrandissement soit prise, en Conseil municipal. La taille du cimetière sera augmentée l’année suivante : le mur de clôture côté-est est abattu et l’accès se fait du côté de l’agrandissement. Le cimetière est désormais fermé par une grille réalisée par un artisan de la ville. On décide également la création d’un monument aux morts pour rendre hommage aux Tabernaciens tombés pour la France entre 1914 et 1918, et, en 1922, la Ville crée un poste de gardien-fossoyeur. La période de la guerre de 1914-1918 a été particulière avec l’arrivée de réfugiés des départements du nord et de l’est, puis, à l’après-guerre, avec les rapatriements des corps des soldats décédés pour la France et les exhumations et transports des personnes réfugiées, décédées à Taverny, et rejoignant leur commune de résidence. Après la Seconde Guerre mondiale, la Commune est confrontée aux mêmes problèmes qu’en 1920 avec de nouveaux transferts et exhumations. Sans surprise, un nouvel agrandissement est réalisé dans les années 1950 : il se fera par une extension de surface en forme de “L” inversé, au détriment de l’allée des Sapins. Les travaux permettent de porter sa superficie totale à 17 000 m2, pour une altitude comprise entre 130 et 157m.

Vers un nouveau cimetière…

La population de Taverny atteint 7 000 habitants en 1954 : elle est de 13 000 en 1968 et dépasse les 20 000 au début des années 1980… Cette augmentation de la démographie pèse sur la capacité d’accueil du cimetière de la Forêt. Il est donc envisagé son extension. En 1985, une demande est faite auprès du ministère de l’Agriculture pour une extension en forêt de Montmorency. Mais la forêt étant classée, ce sixième agrandissement est refusé ! L’extension du lieu d’inhumation devra donc se faire dans un autre lieu : ce sera le cimetière de la Plaine. Le choix est entériné en 1991.


Un chemin à l’est relie les chemins de l’Ecce-Homo et des Sapins


Vue aérienne du cimetière en 1949


Plan du cimetière ancien établi en 1844 avec le projet symbolisé de sa modification.