Le Christ de l’église Notre-Dame-de-l’Assomption

Un discret chef-d’œuvre de l’art gothique

Dans la nef de l’église de Taverny, face à la chaire, se dresse un magnifique crucifix en bois sculpté, daté du XIVème ou XVème siècle. Suspendu au quatrième pilier, l’harmonie et l’unité de ce christ polychrome (doté de plusieurs couleurs) en font une pièce unique de l’exceptionnel patrimoine local… d’autant plus précieuse qu’elle faillit disparaître !

Un Christ en croix… ressuscité !

Si aujourd’hui, le visiteur peut l’admirer dans sa splendeur d’origine, avant 1956, date de sa restauration complète, le crucifix était méconnaissable. Prise en 1924, la photo la plus ancienne de cette pièce nous la montre dans un état bien différent : la croix y apparaît très détériorée, les extrémités de la traverse et le haut ont été sciés. Les doigts des mains du Christ sont réduits à de courts moignons. À l’extrémité supérieure est fixé un grand phylactère, une banderole portant l’inscription INRI (initiales de l’inscription latine « Iesus Nazareus Rex Iudaerum » : Jésus de Nazareth Roi des Juifs). Les clous d’origine ont été remplacés par des clous démesurés. Et comble de malheur, l’ensemble a été « barbouillé d’une uniforme peinture noire » par un « peintre inexpérimenté et maladroit », selon les mots d’Ernest Gaillard dans sa monographie de l’église de Taverny (1909).

L’état du crucifix était tel que, vers 1870, on proposa de le remplacer par un crucifix moderne en bronze coulé. Fort heureusement l’architecte diocésain s’y opposa ! Le Christ fut classé aux Monuments Historiques en 1905 et sa restauration complète permit de lui redonner toute sa beauté. « Pendant 18 mois, le bois fut décapé, les trous bouchés avec de la résine et les tonalités éteintes des couleurs réapparurent », explique l’historienne Laure Schauinger dans son ouvrage dédié à Notre-Dame de Taverny et qui laisse entendre que le crucifix pourrait être un don royal, étant présentes des fleurs de lis dorées sur un fond bleu roi.

 

Suite de l'article paru dans le Taverny Mag  #52 - mars 2023 :

 

Une œuvre de réalisme

Débarrassé de sa couche de peinture noire, le Christ apparaît désormais avec des cheveux et une barbe brun-roux, vêtu d’un pagne ocre. Autour du visage légèrement penché vers la gauche, les rayons de l’auréole sont accentués par l’alternance de faisceaux rouges et dorés. Les pieds de Jésus sont posés l’un sur l’autre et directement cloués sur la croix. Si à partir du VIème siècle, le Christ est souvent représenté les pieds reposant sur un « suppedaneum » (un repose-pied) permettant au condamné de se soulever pour reprendre sa respiration mais également de prolonger son agonie, ici, l’absence de repose-pied est plus fidèle aux Évangiles qui rapportent la mort de Jésus presque immédiatement après sa crucifixion. En outre, contrairement aux artistes de l’Orient chrétien qui, dès le XIVème siècle, choisissent de représenter le Christ majestueux, triomphant, le corps droit et la tête levée, l’air serein, ceux de l’Occident insistent sur le réalisme de la scène, privilégiant l’émotion et où la tristesse du Christ se font ressentir : c’est le cas du crucifix de Taverny, que « les experts classent parmi les spécimens de l’art chrétien du gothique tardif », selon Laure Schauinger.

Les évangélistes à l’honneur

Les quatre extrémités de la croix méritent de s’y attarder. Et pour cause, elles forment les contours d’un trèfle à trois feuilles : ces trèfles sciés au XIXème siècle, fort heureusement conservés, ont été replacés lors de la restauration. Des figures étonnantes y sont dessinées : elles symbolisent le « tétramorphe » ou les « quatre Vivants », une représentation issue du livre du prophète Ézéchiel (Ancien Testament) qui décrit la vision qui inaugure sa vocation. Une vision reprise par Saint-Jean dans l’Apocalypse (Nouveau Testament) : il y décrit quatre personnages ayant chacun une seule face (homme ou ange, lion, taureau et aigle). Chez Saint-Jean comme chez Ézéchiel, les quatre Vivants sont associés à la gloire de Dieu : c’est pour cela que sur les tympans des portails des cathédrales, ces quatre animaux (tétramorphe) sont souvent représentés autour du Christ dans une mandorle (auréole en forme d’amande). Enfin, les quatre Vivants sont aussi l’attribut des quatre évangélistes : l’Ange pour Matthieu, le Lion pour Marc, le Bœuf pour Luc et l’Aigle pour Jean. Cette représentation du tétramorphe est également présente sur le dossier du banc d’œuvre situé sur le bas-côté sud de l’église.

Article rédigé
avec l’aide précieuse
de l’Association Culturelle Notre-Dame de Taverny
https//acndt.wordpress.com